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Crédit: Etienne de Poncins à Kiev, le 20 avril. (Avalon/ABACA)

Etienne de Poncins, membre ANF, Ambassadeur de France en Ukraine

02 mars 2022 Revue de presse
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Libération

Guerre en Ukraine: Etienne de Poncins, l’ambassadeur «chevronné» contraint de se délocaliser à Lviv

L’actuel ambassadeur français en Ukraine, spécialiste des questions européennes, est reconnu par ses pairs pour son «sang-froid» acquis au cours d’une longue carrière au Quai d’Orsay qui l’aura mené de Bruxelles à la Corne de l’Afrique.

Il ne s’attendait probablement pas à revivre une situation de guerre, encore moins aux portes de l’Europe. A bientôt 58 ans, après avoir connu les camps de réfugiés dans la Corne de l’Afrique et la guerre civile en Somalie, Etienne de Montaigne de Poncins est de nouveau exposé. Depuis l’invasion de l’Ukraine par les chars de Vladimir Poutine, jeudi, le pays est plongé dans un conflit meurtrier – l’ONU a indiqué ce lundi avoir enregistré 102 civils tués, dont sept enfants. Alors que plusieurs ambassades occidentales se sont délocalisées à Lviv, la France a d’abord décidé de maintenir son ambassade à Kiev, avant de la transférer à son tour dans cette grande ville de l’Ouest ukrainien, comme l’a annoncé ce lundi soir le ministre des Affaires étrangères, Jean-Yves Le Drian, sur BFM TV.

 

Avec ses équipes, Etienne de Poncins gère la cellule de crise ouverte dès l’offensive russe, jeudi. Près de 700 ressortissants français se trouvent actuellement en Ukraine. Protégé par une équipe du GIGN, le personnel diplomatique répond aux appels et tente d’identifier les Français encore présents ainsi que leur localisation. Pour l’heure, toute évacuation est «impossible», a assuré au Monde le chef du centre de crise du Quai d’Orsay à Paris, Stéphane Romatet. «Dans les situations de crises, ce qui compte c’est d’être un bon chef d’équipe. Etienne de Poncins l’est», glisse à Libération la députée européenne et ancienne ministre des Affaires européennes, Nathalie Loiseau.

 

Nommé à Kiev en juillet 2019, ce diplomate «chevronné», dixit un agent en poste à Paris, a vu l’escalade monter entre l’Ukraine et la Russie. A l’Elysée, il peut compter sur Isabelle Dumont, conseillère Europe continentale à la cellule diplomatique et ancienne ambassadrice en Ukraine pour échanger régulièrement et faire remonter des informations. «On a la chance d’avoir deux personnes qui s’entendent bien, qui connaissent les interlocuteurs ukrainiens», avance Nathalie Loiseau. Qui ajoute : «Il était très conscient de la situation, des besoins de l’armée ukrainienne notamment […]. Il s’est beaucoup déplacé dans le pays, à Lviv, Marioupol ou Kharkiv. Ce n’est pas le diplomate qui reste enfermé dans son ambassade, à lire des dépêches et rencontrer des officiels.»

«Un garçon pénétré du sens de l’Etat»

«Il est d’un calme, d’une sérénité, d’un sang froid remarquable et rassurant pour nos compatriotes», loue aujourd’hui Alain Lamassoure, ancien ministre délégué aux Affaires européennes du gouvernement Balladur. A sa sortie de l’ENA, en 1990, De Poncins intègre son cabinet après un passage à la direction des Affaires européennes du ministère. Il s’occupe alors des négociations communautaires, après l’accord de Maastricht en 1992. A Bruxelles, il rejoint ensuite la représentation permanente de la France auprès de l’Union européenne. Pierre Sellal, une figure du Quai d’Orsay, ancien représentant permanent de la France auprès de l’UE (de 2002 à 2009 puis de 2014 à 2017) se souvient d’un «esprit très organisé», un «type courageux, qui a le sang froid nécessaire».

 

En 2002, son nom est soufflé à l’ancien président Valéry Giscard d’Estaing, qui s’apprête à présider la Convention sur l’avenir de l’Europe, une institution chargée de repenser les institutions européennes et qui aboutira à un projet de Constitution européenne repris par le traité de Rome, en 2004. «VGE avait souhaité s’entourer des meilleurs jeunes diplomates, juristes et économistes européens, raconte Alain Lamassoure. De Poncins, c’est LE profil du grand diplomate français. Un garçon pénétré du sens de l’Etat, conscient qu’il appartient à la grande tradition de la diplomatie française

«Discret», «cultivé» et «efficace»

Après les couloirs des institutions bruxelloises, Etienne de Poncins, à qui certains prêtent des sympathies fillonistes, est nommé par Jacques Chirac ambassadeur en Bulgarie, en 2007, quelques jours avant l’arrivée de Nicolas Sarkozy à l’Elysée. «Vous avez pris vos fonctions dans un moment intense», lui dira Pierre Moscovici, lors d’une audition de la commission d’enquête sur les conditions de libération des infirmières et du médecin bulgares détenus en Libye, en novembre 2007.

Hasard du calendrier, le diplomate se trouvera en effet au cœur d’une affaire ultramédiatisée, feuilleton politico-médiatique mêlant l’ex-président, son épouse Cécilia Sarkozy et le dictateur libyen Muammar Kadhafi. A l’époque, la silhouette élancée et le regard noir du diplomate occupent l’espace médiatique bulgare, duquel il reçoit un accueil très favorable.


Du Kenya – où il est nommé ambassadeur en 2010 – à Mogadiscio, la capitale somalienne en proie à une guerre civile, De Poncins découvre l’Afrique et les crises humanitaires. «C’est quelqu’un de très courageux», décrit Nathalie Loiseau, qui le connaît depuis une trentaine d’années."

A l’époque, «il se battait contre les fonctionnaires de Bruxelles qui l’empêchait d’aller à Mogadiscio». De 2013 à 2015, rattaché au Service de l’action extérieure à Bruxelles, il dirigera également la mission civile pour le renforcement des capacités maritimes régionales dans la corne de l’Afrique – l’EUCAP Nestor, recentrée en 2015 sur la Somalie uniquement.


Humainement, son entourage professionnel décrit une personne «discrète, cultivée, qui a une fine analyse des situations» (Anne Genetet, députée LREM de la 11e circonscription des Français de l’étranger). «Ce n’est pas quelqu’un de nerveux. C’est un pondéré, quelqu’un de calme et efficace», note aussi Benoît d’Aboville, ancien ambassadeur en Pologne, où De Poncins l’a secondé entre 1999 et 2002.

«Il ne se met jamais en avant, a ce côté flegmatique, descendant de Montaigne mais en même temps sans cesse sur le terrain», conclut Nathalie Loiseau. A un interlocuteur qui lui a récemment demandé s’il comptait changer de voie à la faveur de la récente réforme de la haute fonction publique, qui bouscule le Quai d’Orsay, le diplomate a simplement lâché un «tu plaisantes !» évocateur.

 

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par Victor Boiteau

publié le 28 février 2022




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